L’appel téléphonique

Crédit photo :  American business man making a mobile phone call – Black people

 

Chers fils et filles à papa !

J’espère que vous allez bien !

Je trépigne de joie en ce jour où je reprends ma plume pour réaliser l’analyse d’un sujet qui secoue la toile congolaise. En effet, depuis le 28 Juin 2019, une note vocale circule sur internet l’on peut entendre clairement la voix de deux personnes conversant. Vous me direz que c’est un sujet banal, nous faisons tous des notes vocales. Et bien figurez-vous que cette note vocale n’est autre que l’enregistrement d’un appel téléphonique impliquant deux protagonistes connus du public congolais. L’appel commence par :

  • « Allô ? Mes respects Madame la ministre !
  • Bonjour Mon colonel »

On distingue clairement les voix de deux personnalités publiques congolaises, notamment celle du ministre de la jeunesse et de l’éducation civique (Destinée Doukaga) et celle du directeur général adjoint de la police (André Obami Itou). En résumé, le ministre de la jeunesse passait un coup de fil au directeur général adjoint de la police concernant un courrier qui avait été classé sans suite. Apparemment, Destinée Doukaga souhaitait avoir la protection de la police pour une raison qui n’a pas été précisé. Il se trouve que ce courrier n’est jamais parvenu aux mains de André Obami Itou, malgré la présence d’un accusé de réception. La discussion a vite tourné au vinaigre à cause du ton nonchalant du colonel et une submersion de sentiments de la ministre.

 Ce qui me plaît

Cette discussion a fait le tour de la toile et sur Twitter, les congolais (dont moi 🙂 oui je plaide coupable) n’ont pas hésité à faire des blagues autour du sujet ! Nous avons rigolé toute la journée. Cependant, comme on dit chez nous « les bonnes choses ont toujours une fin » !   J’aimerais faire une analyse plus sérieuse des propos tenus par la ministre ainsi que le colonel.

Comment en est-on arrivé là ? On parle quand même d’un courrier !  

Certes, cette discussion a fait rire plus d’un mais elle est aussi révélatrice de l’état d’esprit de l’administration congolaise. Destinée DOUKAGA demandait au colonel la procédure à adopter pour avoir des policiers à son service parce qu’elle avait déjà vu ces hommes et femmes en noirs protégeant les bâtiments publics. André Obami Itou fils a répondu de manière désinvolte « Demandez-leur. Sincèrement, ce n’est pas la vocation de la police ». De là a débuté un échange musclé entre les deux personnages. Je me demande toujours pourquoi cet appel a été enregistré, de plus, envoyé sur internet. Bref…

« Pourquoi vous les fils à papa, vous êtes toujours comme ça ? » – Destinée Doukaga

A en juger par cette phrase, ce n’est pas la première fois que la dame soit confrontée à ce genre de situations. Il convient de noter que André Obami Itou fils n’est autre que le fils de Obami Itou, ancien président du Sénat de 2007 à 2017. Il se trouve certains enfants des personnes hauts placées adoptent des comportements parfois désagréables. Généralement, ils ne sont pas punis pour leurs attitudes car ils sont protégés par leurs parents. Cela révèle que le système congolais fonctionne sur la base des relations. Dans l’administration congolaise, les citoyens sont considérés suivant leurs affiliations et leur entourage. Les demandes (passeport, carte nationale d’identité, protection rapprochée, …) sont pas traitées à la même vitesse. L’attitude des salariés dans ces endroits varient suivant le rang et l’affiliation de l’interlocuteur. Ce point constitue un blocage dans l’avancement de notre société car les disparités sont encore plus marquantes.

Frustration et nerfs qui tombent

A la fin de note vocale, on entend DOUKAGA fondre en larmes à la limite après s’être déchainée au téléphone. Elle a demandé à ce que le colonel soit, je cite « courtois » dans ses propos et surtout aie plus de pudeur. Elle insinue que Obami Itou lui a parlé sur ce ton parce qu’elle est jeune (c’est une trentenaire). Ceci démontre que malgré ses actions, elle a du mal à trouver sa place au sein de ce gouvernement. Elle ne se sent pas considérée au même titre que les autres ministres pour deux raisons : elle est jeune et c’est une femme. Ceci remet en question d’une part la place de la femme dans la société congolaise et surtout au sein du gouvernement. D’autre part, la place de la jeunesse dans le développement du pays. Les jeunes peuvent être diplômés mais s’ils ne sont pas insérés dans le processus du développement, les choses ne bougeront pas beaucoup. Au Congo, être l’aîné permet de bénéficier du respect des plus jeunes de manière automatique, peu importe l’attitude de la personne concernée. On marque bien la différence avec les « yaya ». Cette tradition devrait s’arrêter dans les milieux professionnels. Nous avons besoin de performances et de résultats satisfaisants peu importe l’âge.

Je pense que la réaction de la ministre est due à une accumulation de péripéties. Elle a une forte personnalité, je n’en doute pas, mais manager demande plus de qualités. Ce que j’ai entendu dans sa voix, c’était l’extériorisation d’une certaine frustration.

 Les « je suis… », « j’ai été nommé par… », « Je le dirai à … »

C’était trop ! Cette réaction était littéralement démesurée et inappropriée face à la situation. Ce n’était pas nécessaire. Elle est montée sur ses grands chevaux pour rien et à la limite j’avais l’impression d’entendre une ado qui dit « je vais le dire à papa ». Déjà qu’elle enchaîne les faux pas sans faire exprès. Cela ne servait pas à grand-chose d’utiliser ce genre de discours, surtout pas pour un courrier. D’ailleurs, en tant que ministre, la balance ne penche pas en sa faveur malheureusement. Elle est chef d’un autre département et ne peut pas se permettre de parler sur ce ton au subalterne d’un autre ministre (le « vous êtes impoli » était sec). En fait c’est comme si elle remettait en question les capacités managériales de son collègue. Elle aurait dû s’adresser à son homologue.

Bref, de manière générale, les congolais adorent les titres, mais n’assument pas forcément les responsabilités qui vont avec.

 Tribalisme : « C’est parce qu’on ne vient pas de la même région »

Ce passage n’était nécessaire non plus. Mais bon, nous sommes tous humains et nous mettrons ce passage sur le compte de la colère (ou pas mdr). Vous savez aussi bien que moi l’administration congolaise fonctionne de façon atypique. Qu’on le veule ou pas le tribalisme est un phénomène très présent dans ces endroits.

 Sinon, où sont ces procédures ?

Souvenez-vous, à la base, elle ne cherchait qu’une procédure. Alors, quelqu’un sait où peut-on trouver ces procédures ? Parce que visiblement, le directeur général adjoint de la police congolaise ne le sait pas. Ça me rappelle que je dois lire et retenir mes procédures aussi mdr. C’est intéressant d’analyser cet appel mais l’autre problème majeur est de savoir où se trouve ces fameuses procédures, en espérant qu’elles existent. Quelqu’un devrait penser à les dématérialiser et les mettre en ligne. De plus, il serait judicieux de mettre à disposition du public ces procédures au sein des mairies, des communes.

ParDebby

 

 

 

8 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. D'almeida dit :

    Je ne saurais que dire sur cette analyse langoureuse s’il faut que je l’appelle ainsi car sur celle ci tu as eu à dégager les aspects physiques et morale de ceux qui sont dans nos administrations publiques ou privées.
    Car je cite nombreux ne disent pas mots sur les réalités qu’il y a dans ces administrations en tout cas chapeau à toi

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  2. Congolites dit :

    On en assez parlé, ou plutôt rigolé dessus. J’apprécie l’idée d’une analyse sérieuse et objective. Tu as établi les parts des responsabilités de tout un chacun, parce que dans cette affaire, les réactions des deux personnages ont été démesurées.

    Sur la question du genre, je ne suis vraiment pas d’accord. Ça ne se fait ressentir à aucun moment. Mais le tribalisme et la question de la filiation, ça par contre oui. Et pour finir je ne vraiment pas de point de vue particulier, sinon pour soutenir l’aspect des procédures pour éviter d’autres scandales à l’avenir, les procédures doivent être connues.

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    1. kiwissa1 dit :

      Merci Congolites. J’ai voulu relevé l’aspect « femme » parce qu’au final, d’après ses dires, il y aurait des ministres qui seraient plus respectés que d’autres. Non pas à cause de leurs personnalités mais à cause des enjeux auxquels sont confrontés leur ministère. Et ces ministères ne sont pas gérés par des femmes.
      Pour le reste on est d’accord. Du cinéma pour pas grand chose.

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  3. Michaux dit :

    LE COLONEL OBAMI ITOU ALIAS KING EST UN AET QUE J’AI CONNU. MAIS IL DOIT ETRE RAPPELÉ À L’ORDRE : un avertissement écrit assorti de 7 jours d’arrêts de rigueur ou de 14 jours de consigne semblent un minimum de sanction.

    Je suis étonné qu’il soit déjà Directeur général adjoint de la police, alors que ce corps compte des généraux et des colonels plus anciens et sans doute de mérite équivalent. Peut-être le mérite-t-il. Et je lui conseille d’être humble et serviable.

    A première vue :

    1- L’enregistrement audio et sa publication : la jeune ministre Doukaga évoque la répétition de situations d’irrespect et d’obstruction de la part du Colonel Obami, ainsi que de la part d’autres cadres qu’elle désigne entre autres par « fils à papa »

    >>> Rendre public un tel audio, c’est partir du constat que ces cadres demeurent non sanctonnés car protégés, et elle en appelle donc au public.
    >>> TRES SINCEREMENT, JE COMPREND SA DEMARCHE.

    2- Le Cl Obami Itou a été irrespectueux :

    – Il la désigne sans cesse par un simple « Madame »
    >>> Non, il devrait dire « Madame la ministre » ou « chère Madame » ou autre formule un peu plus polie.

    – « Vous m’avez envoyé un lieutenant, moi vous m’envoyez un lieutenant, hé, écoutez »
    >>> Mais quelle est cette suffisance là ? Est-ce qu’à un colonel, on ne peut pas adresser un lieutenant ? Il refuse de recevoir un envoyé de ministre parce que celui-ci est simple lieutenant?

    C’EST QUOI CES PETITES MANIERES DE MARQUIS ? EST-CE CELA LA NOUVELLE NORME DES FORCES EN ARMES ?

    – « demander aux policiers comment ça se passe »
    – « vous avez fini, madame ? »
    Là dessus, il a clairement dépassé les bornes. C’est inadmissible!

    3- Que la ministre ait explosé de colère peut se justifier par le ton sarcastique, distant, irrespecteux du colonel et surtout pas le « je m’en fous de votre courrier » qu’il semble lui dire.

    Pour attitude indigne d’un AET et pour action inexcusable de la part d’un très haut cadre de l’Etat, il doit être sanctionné. Un avertissement écrit assorti de 7 jours d’arrêts de rigueur ou de 14 jours de consigne est nécessaire au minimum.

    Ecoute Colonel King,
    Tu as été trop loin!

    Dans le souci fraternel de ton avenir (demain ne sera pas forcément aujourd’hui) :
    – demande une audience à la ministre en son cabinet;
    – apporte-lui un petit cadeau personnel,
    – emmène avec toi la dizaine de policiers dont elle a besoin puur le gardiennage de ses locaux.
    – excuse-toi;
    – prenez une photo ensemble, et mettez-la sur les réseaux.

    Une bonne personne sait qu’il est bon de s’excuser.

    Merci
    ——-

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  4. William dit :

    Bonjour,

    J’ai aimé l’article,mais je n’ai malheureusement pas encore pu écouter cet extrait.

    Auriez-vous l’amabilité de me l’envoyer à cette adresse

    242zoba@gmail.com

    Merci

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  5. Anonyme dit :

    Très bonne analyse. Cependant il ne faut pas ignorer le fait qu’être autorité n’exclut pas les interactions émotionnelles qui surgissent à chaque déni ou absence de reconnaissance. Être ministre ne veut non plus dire connaitre tout du fonctionnement administratif. Elle s’est renseignée au téléphone suite au resultat obtenu à leur courrier classé sans suite. Après la réaction a été plus émotive qu’objective, ça arrive à tout le monde!

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  6. Ariel dit :

    Cette analyse découlant de cet audio. Démontre un fait: le Congo est malade et tout le monde s’y accomode bien.
    Ces faits identifiés dans cette analyse (tribalisme, acquisition de poste en raison de la filiation etc..), ne sont pas nouveaux. Ce qui est aberrant et qui fait peur s’est le fait que ces « anti-valeurs » sont devenus la norme. Ce qui est triste dans ce pays qu’est le Congo c’est la célébration de l’impunité. Les gens ne sont pas sanctionnés dans leurs abus. Et tout cela est dû au leader et au système mise en place.

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  7. Nana Bakalafoua M'boussi dit :

    Salut,
    Bon texte Debby, comme d’habitude. Remettre en question les deux personnages, essayer de se mettre dans le contexte, et souligner la part de responsabilité de chacun; alors ça, c’est une analyse.
    Cependant, n’étant pas sur Twitter, je n’ai pas écouté la note vocale. J’aimerais bien l’avoir si tu l’as en ta possession; cela me permettrait peut-être de mieux comprendre ton texte et de faire, peut-être, une analyse de mon côté.😊

    Ps: beaucoup de peut-être hein, oui je le sais! Bisous miss 😘

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